Sorties de tôles

Date(s) - 01/02/2023 - 24/02/2023
10h00 - 17h00

Sorties de tôles. Exposition – Logis de l’abbé – Jean-Jacques Petit

Sorties de tôles : Pour la première fois ces tôles sortent de chez moi – sauf une, la grande. Supposons qu’elles aiment ça, qu’elles ont envie de se montrer…

Sorties de tôles : Toutes ces surprises qui sortent de ces tôles ! Elles ne se laissent pas faire, elles rouillent comme elles veulent, en brun, en noir, en bleu, en jaune, on ne sait jamais comment ça va finir ! Ce n’est pas de la peinture, il n’y a pas de place pour les repentirs, les traces sont déjà dans la matière. Tous ces reflets, toutes ces images émergent de ces bouts de tôle, de ces tôles, qui ont la mémoire de ce qu’on leur a fait.

Sorties de tôles : il était temps que je sorte de mes habitudes, de mes savoir-faire, et que je me bouscule. Il était temps que je sorte de là où je m’enfermais !

Patines sur tôles d’acier

Cette exposition est issue du travail d’environ deux années, avec une période de plusieurs mois consacrée à préparer l’Exposition « Grands formats – Ciels » à l’Abbaye Saint-Germain, 2021-2022 pour laquelle j’ai produit cette grande tôle nuageuse « Ciel d’acier », prix de la Ville d’Auxerre.

L’envie de représenter des nuages me tenait depuis longtemps.

Tout a commencé avec une crédence de cuisine : une grande tôle, bête, brute, une toute simple, noire, c’est-à-dire avec des reflets bleus, des défauts de teinte, quelques zones plus claires, quelques taches très sombres, quelques débuts de rouille. Elle se laissait regarder selon les lueurs changeantes du jour, les lumières du soir, ou même les compositions culinaires, et son vernis faisait jouer des reflets variants. Je voyais, d’autres aussi voyaient, des paysages oniriques, au gré des pensées et des humeurs, et de la lumière. Pas d’œuvre d’art, juste une « tôle noire ».

Séduit par ce matériau, j’ai décidé de l’exploiter comme support, pour en faire sortir la richesse de ses nuances, pour évoquer les lumières du ciel. Alors j’ai commencé, avec du ponçage, de l’acide, du polissage. Appelons ça du patinage.

D’emblée un ciel ténébreux, menaçant, orageux en quelque sorte, s’est imposé à la vue de la tôle noire. Les cieux de cette région de Bourgogne, à la tombée du soir et des pluies, aux percées de rayons ensoleillés et de lueurs humides, se déposaient naturellement sur la tôle.

Grand format :  j’ai rapidement éliminé l’option mosaïque. J’ai donc visé 3mx1.5m. Après quelques esquisses, il a bien fallu que je m’y attaque à cette grande tôle. A ce moment, le format, grand, devient un défi. Adapter les outils. La technique de la patine à l’acide sur métal ferreux nécessite des actions rapides, ça se joue en moins d’une minute.

Le plus merveilleux est la surprise quasi systématique. Le résultat n’est jamais garanti. Je me fais surprendre par ce qui arrive, ce qui émerge du geste, du mélange, de l’erreur, du pas assez ou trop vite, des taches, éclaboussures et coulures, de ces zones qui ne se laissent pas faire, qui ne réagissent pas comme à côté, tous ces aléas qui font les surprises les plus étonnantes, les plus magnifiques comme les plus emmerdantes, les nouveautés comme les résistances, avec lesquelles il faut de toutes façons composer, lâcher à un moment pour utiliser ce qui vient d’arriver. C’est une aventure extraordinaire.

Après ce grand format et le « prix de la Ville d’Auxerre », j’ai travaillé à cette exposition. sur des bouts d’essais, des tout petits bouts parfois, pour limiter les contraintes.

J’ai découvert un matériau, un support, une technique qui m’inspirent, que j’apprivoise à chaque fois, et qui me donnent envie de recommencer, de retrouver ces réactions imprévues, de comprendre le pourquoi, et de fixer les traces qu’elles ont laissées. Alors j’essaye, je patine, avec plus ou moins de succès. Les ratés décourageants et les effets surprenants se succèdent.

J’étais déjà dans les nuages, je me plaisais à les observer. Mais depuis que je travaille sur ces tôles, je les regarde d’une autre façon, je les scrute dans leurs variations harmonieuses et souvent ténébreuses. Je les regarde autrement, ces nuages et ces paysages, en me demandant comment je pourrais les mettre en tôle. C’est une autre manière de voir.

La tôle d’acier a des qualités expressives insoupçonnées. Parfois, on retrouve au revers tout un univers de coulures, d’empreintes du support, de grains subtils, qui font presque regretter de ne montrer que l’endroit.

Avec ce travail, avec cette exposition « Sorties de tôles », je m’offre de nouveaux horizons.

Lieu :
Abbaye Saint Germain